Mots-clés : Jully
Sur cet extrait de la carte de Cassini (XVIIIe siècle), trois routes sont mentionnées dans la région :
- dans le coin en bas à gauche, la route Paris – Dijon par Sens, Montbard, Vitteaux et Sombernon
- en haut, la route Auxerre – Chaumont par Châtillon-sur-Seine
- en diagonale, une route d’Ancy-le-Franc à Laignes très empruntée, faisant la jonction entre les deux.
La première est devenue la route impériale, royale ou nationale, selon les régimes, N° 5 Paris – Genève (actuelle route D 905).
La seconde, la route N° 65 « de Bonny-sur-Loire à Neufchâteau (actuelle route D 965).
La troisième n’est plus qu’un chemin que l’on peut parcourir presque en totalité sachant qu’il en manque une petite partie sur le territoire de Stigny.Vous remarquerez immédiatement que son tracé est relativement direct en évitant les villages de Stigny et de Jully (les-Forges).
Cet article a pour but de vous la faire connaître
Le parcours actuel (s’aider de la carte IGN 2820 SB au 1/25 000e)
Au nord de la localité d’Ancy-le-Franc, après le vieux cimetière, le chemin s’embranche à l’altitude de 190 m sur la route communale de Gland au niveau de la croix Vincent (notée à



A la côte 269, on laisse la route de Gland sur la gauche et le chemin, vestige de l’ancienne route royale, se montre droit devant nous

*La ferme de Montcry : Montcrif au XVIIIe S, nom rattaché à une famille originaire d’Ecosse et de Champagne. Propriété des Rougeot au XVIIIe S, puis du marquis de Louvois, le domaine passe à la Société Beghin-Say puis au Groupement forestier. Les métayers sont connus depuis 1724 jusqu’à la famille de Brouwer dans les années 1940. Durant la guerre, des résistants du maquis Vauban pourchassés d’Asnières-en-Montagne y ont trouvé refuge. Peu après les bâtiments abandonnés sont tombés en ruines et les terres furent enrésinées.
Après avoir coupé à angle droit la route D 189 Stigny – Gland à la cote 303, le chemin quitte le plateau au niveau d’un carrefour où l’on trouve une pancarte « Chemin de César » car on se trouve sur un chemin de randonnée, Ancy-le-Franc, bois de Stigny, Gland, Ancy-le-Libre (Pays Tonnerrois, 2003) pour descendre dans le val Bouteiller qui possède en aval des sources alimentant le village de Gland, les eaux rejoignant le ru de Baon et Tanlay. On atteint la cote 261, ce qui montre que malgré la rectitude relative du chemin sur les cartes, le profil n’était pas si favorable. Fallait-il des renforts de bœufs ou de chevaux, la question est posée ?
Sur une certaine distance, le chemin est en moins bon état mais peut être néanmoins parcouru jusqu’à la rencontre avec le bon chemin de Farcenot qui mène à la sommière du Sarcophage longue de 1340 m tracée en 1864 (un sarcophage aurait été trouvé un peu avant à Bouteillier). Au XVIIIe S, le marquis de Courtanvaux aimait chasser dans cette forêt giboyeuse.

La Croix-Mouton, un nom curieux…
A l’abri des regards, la croix est faite de pierre, bois et fonte ; son socle porte la date 1846 mais peut-être est-elle érigée à la place d’une croix plus ancienne, étape sur cette importante voie Ancy-le-Franc - Laignes. On se perd en conjecture à propos du nom de Croix-Mouton. Plusieurs faits ou traditions sont attachés au lieu :
Un jour, une certaine Jeanne Mignot, accompagnée de femmes plus jeunes, d’autres plus âgées, et d’enfants, était arrivée péniblement, enceinte jusqu’aux yeux ; évidemment c’est là qu’il y eut les contractions, impossible de redescendre au village ; c’est ainsi que Jean-Baptiste naquit en ce lieu isolé de tout le 2 septembre 1841. C’était le grand-père d’une adhérente de notre association, Mme Camille Gueneau, décédée en 2018. La croix fut-elle érigée en reconnaissance ?
On raconte aussi qu’un montreur d’ours passait là, mais un brave paysan en fit une attaque dont il mourut.
De même, un bandit de grand chemin aurait commis un crime dans ce coin perdu (Bul. mun. de Stigny N° 4, 2009) ou bien des brigands assassinèrent là un marchand de moutons ou bien le malheureux se nommait Mouton ?
L’endroit est charmant, propice à la méditation, et si l’on s’y arrête, ayons une pensée pour ceux nombreux qui jadis vivaient de la forêt : bucherons, scieurs de long, sabotiers, charbonniers avec leurs appareils Dromart (fours métalliques pour la carbonisation du bois), garde-forestiers, capitaine de chasse et autres moussiers…
C’est alors que notre chemin disparait sur environ 2 km aux confins du finage de Stigny dans la Combe du Poulet, prolongement de la Combe Marion au sud des bois de Fleurey, dommage ! Mais nous avons pu néanmoins parcourir 13 km depuis Ancy-le-Franc. Nous ne pourrons le retrouver qu’à la cote 310 en cheminant dans l’autre sens sur un peu moins de 2 km depuis Sennevoy-le-Haut par la route communale de Stigny. Au-delà, le tracé existe toujours, empruntant la rue Notre-Dame dans Sennevoy-le-Haut, puis la route de Gigny (c’est la D 116) puis celle de Laignes (D 953 anc. N 453).
Mais pourquoi, ce chemin fut il abandonné ?
Il semble qu’il soit tombé en désuétude au cours du XIXe siècle ou au plus tard au moment de la Grande Guerre. Les hypothèses suivantes peuvent être avancées :
Le village de Stigny était fortifié avec quatre portes : à l’ouest sur le chemin de Chassignelles et d’Ancy-le-Franc, au sud sur un chemin de Ravières (Matréau), à l’est sur le chemin de Beauvais (la Poterne) et au nord la porte de la Charrière ouvrant sur les chemins de Montcry, Gland, Chapelle-Sennevoy et les Forges.
Au XIXe siècle, les portes sont devenues inutiles et les minerais de fer sont exploités sur Jully et Stigny. Des maisons sont alors démolies au niveau de l’église de Stigny en 1844-1845 pour ouvrir la Grande Rue et aménager une route venant des Forges avec expropriations (chemin de Grande Communication N° 17 act. D 17) pour faciliter la circulation de la noria de chariots à destination des fonderies du marquis de Louvois à Ancy-le-Franc apparues vers 1821 pour atteindre leur apogée en 1863.
Dès lors, le chemin le plus pratique pour aller d’Ancy-le-Franc à Laignes passa par Stigny, Jully-les-Forges et Sennevoy-le-Bas, ce qui est toujours le cas aujourd’hui…
Pour en savoir plus, consulter :
- le site Internet des Archives départementales de l’Yonne – Fonds numérisés – Cadastre
- Géoportail.fr pour obtenir les cartes de Cassini, d’Etat Major et IGN
- Le site Internet « remonterletemps.ign.fr » permet de comparer, cartes de Cassini, d’Etat Major, IGN et vues aériennes.
Remerciements à Sylvie et Robert Biton, Gérard Guillaudin et Patrick Chenu.
D’après Juliacum N°57, janvier 2021
Article publié dans le bulletin N°72 (2022) de la Société d’Archéologie et d’Histoire du Tonnerrois (S.A.H.T.)
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